Les offrandes aux Esprits, pourquoi ? comment ?

Chamanisme et tantra, les nouveaux sacrés du féminin, du masculin, de la terre et du ciel

Dans de nombreuses cultures, tout un chacun peut faire des offrandes aux Esprits et à la Mère Terre. Ainsi de nombreuses personnes qui respectent la nature et tout ce qu’elle nous apporte, qui ont conscience de ses dons, commencent à offrir un peu de leur nourriture (soit sur la terre, ou sur un autel) avant tout repas. Il n’y a pas besoin d’être chamane pour cela. Et si l’on regarde les autels dans les lieux sacrés (quels qu’en soient les traditions spirituelles), on y trouvera la plupart du temps des offrandes de nourriture.

C’est la loi du « donner-recevoir » ZIGONESHi nous disent les Kogis.

Mère Terre nous donne, il est bien normal de lui donner à notre tour. Les Esprits nous accompagnent, nous soutiennent, nous guident, il est bien normal de leur exprimer notre gratitude, et ce, avant toute demande. C’est une loi sacrée fondamentale que bien des Occidentaux ont oublié, tellement habitués à avoir accès facilement à la plupart des produits de consommation. A commencer par l’eau qu’il nous parait tout à fait normal de voir couler dès que nous ouvrons le robinet ! Mais d’où vient-elle ? Savons-nous en prendre soin, ne pas la souiller, la gaspiller ? Avons- nous conscience que bien des gens sur terre doivent encore creuser des trous dans la terre ou la glace, ou bien aller à la rivière pour chercher leur eau. Ces gens-là savent le précieux, le vital de cet élément. Il ne leur viendrait sûrement pas à l’idée d’y jeter des produits toxiques, comme nous le faisons tant dans ce monde industriel, dit moderne, dans lequel nous vivons. Il ne s’agit pas de revenir au temps où nous allions chercher l’eau à la rivière, mais il s’agit de prendre conscience de ces dons qui nous sont faits et de les honorer. De prendre soin de ce que Dame Nature nous offre si généreusement et de savoir lui exprimer notre gratitude.
Ainsi certains autels mongols comporteront 7 petits récipients dans lesquels seront disposés du thé au lait, de la vodka, du fromage, des sucreries et autres aliments typiques de leur alimentation.
Dans la tradition Touva, lorsqu’on fera un Feu sacré, sur sa base (composée de morceaux de bois), l’officiant ou l’assistant déposera des offrandes de nourriture, de préférence de couleur blanche (farine, riz…) avant d’allumer ce feu et de s’adresser à Grand-Père Feu quel qu’en soit le propos (bénédiction, protection, guérison…)

Dans la vision chamanique du monde du vivant, tout ce qui est vivant a un Esprit, il est donc normal de communiquer avec, de l’honorer et de le remercier.

Et comme nous l’avons vu, cela n’est pas réservé au chaman.

Les offrandes ne se cantonnent pas bien sûr à de la nourriture. Nous n’allons pas prétendre ici énumérer tous les possibles, mais simplement faire référence à ce qui peut se faire dans certaines traditions.

Ainsi, en Sibérie et Mongolie où les gens sont proches de leur tradition, ils communiquent quotidiennement avec les Esprits, en leur faisant des offrandes. Il est très fréquent de voir quelqu’un le matin sortir de sa yourte ou de sa maison pour faire une offrande de lait ou de thé au lait, en se tournant vers les quatre directions et en lançant le liquide vers le ciel à l’aide d’une cuillère. Nous parlerons un peu plus tard de cette cuillère… Un autre type d’offrandes qu’il est presque systématique de leur voir faire, c’est lorsqu’ils traversent des régions montagneuses et qu’ils arrivent à un col. En haut de ce col, il y a ce qu’ils appellent un ovoo en Mongolie, ovaa en Sibérie. C’est généralement, soit uniquement un monticule de pierres avec des offrandes aux Esprits, soit plus souvent, en plus de ce monticule de pierres, il y a des perches placées un peu comme un tipi. Et c’est sur ces perches que les gens fixent des rubans de couleur (soit de simples rubans, soit des khatas, les écharpes bouddhistes de félicité … soit-dit en passant, cela montre les influences bouddhistes au sein des pratiques chamaniques de ces peuples). Ils font cela pour demander les protections des Esprits des montagnes et forêts environnantes et pour les honorer. Dans ces cultures, encore une fois, qu’ils soient chamanes ou pas, les gens proches des traditions, croient que chaque montagne, chaque rivière, arbre etc… ont un Esprit.

Pour eux, il y a un Esprit-maître de la vallée par exemple et si on ne lui rend pas hommage, on ne sera pas protégé pour la suite de notre voyage. Il se peut même que quelqu’un tombe malade dans la famille ou des bêtes du troupeau ou que la chasse ne soit plus bonne. A ce moment-là, les gens iront voir le chamane pour qu’il trouve ce qui ne va pas. Et il n’est pas rare que celui-ci parle d’un membre de la famille qui n’a pas correctement honoré un Esprit ce qui du coup, a mis les Esprits en colère. Le chamane peut même évoquer un membre de la famille décédé entre temps. Dans ce type de situation, soit le chamane fera lui-même un rituel pour demander pardon aux Esprits, soit il indiquera ce qui doit être fait par la personne responsable ou les membres de la famille. Et concernant cet « Esprit-maître » dans certaines traditions, il est même considéré comme un chamane lui-même, un chamane-arbre par exemple. Si c’est le cas, il sera forcément honoré et couvert de khatas ou tissus d’offrandes. Les gens iront prier à ses côtés, ou cela pourra même devenir le lieu de cérémonies pour le chamane local.

Il faut bien que vous compreniez que, dans toutes les traditions chamaniques, d’une façon ou une autre, faire des offrandes est indispensable. C’est une façon de remercier Mère Terre pour tout ce qu’elle nous donne. Beaucoup d’humains croient que ce qu’ils reçoivent directement (en cultivant par exemple) ou indirectement de la terre est simplement dû à leur travail. Mais pour bien des peuples autochtones, ce n’est pas un dû, la Terre est vue comme un être vivant, une Mère en l’occurrence, d’où le fait de la nommer « Mère Terre » et qu’elle nous nourrit. Lui faire des offrandes est une façon d’entretenir l’équilibre entre elle et nous. Et il serait bien inconcevable pour ces peuples, de la travailler, de la creuser ou la modifier de quelque façon que ce soit (par exemple en enlevant la végétation pour y construire une maison), sans lui avoir demandé son autorisation, avoir vérifié avec elle si le lieu et le moment sont adéquats et lui avoir fait des offrandes.

Extrait du futur livre de Sophia Clémenceau

Ovaa, Sibérie

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