Un point sur l’affaire : Claude Bauchet, le Santo Daime et le Combat pour la Dépénalisation de l’Ayahuasca en France.

Peut-être connaissez-vous bien l’histoire ? Peut-être avez-vous déjà vu les 2 vidéos de Balthazar Benadon (La Gazette de l’Abîme) sur le sujet (à voir cette video, et celle-ci). Peut-être cet article de blog vous permettra-t-il de découvrir toute cette affaire et ses enjeux ? Dans tous les cas, nous allons présenter ici une synthèse et les derniers rebondissements de cette affaire qui nous intéresse et nous concerne au plus haut point à l’association Decriminalize Nature France.

Résumé des Points Clés :

  • L’ayahuasca est actuellement classée comme stupéfiant en France depuis un arrêté de 2005, rendant sa possession et son usage illégaux. (L. 5132-7, annexe IV du code de la santé publique)
  • Claude Bauchet est un praticien du Santo Daime. Le Santo Daime est une religion syncrétique brésilienne qui place l’ayahuasca comme sacrement principal indispensable à la pratique du culte.
  • Suite à une perquisition et la saisie d’une quantité significative d’ayahuasca à son domicile en octobre 2019, Claude Bauchet a été poursuivi pour « Possession et recel de stupéfiants ».
  • Claude Bauchet s’est donc retrouvé au cœur d’un combat juridique pour obtenir la dépénalisation de l’ayahuasca en France, arguant qu’elle n’est ni toxique ni addictive et que dans le Santo Daime, elle est utilisée dans un cadre spirituel structuré.
  • La stratégie de Claude Bauchet repose notamment sur l’évolution de la législation française en février 2022 qui définit un stupéfiant comme une substance à la fois toxique et addictive.
  • Claude Bauchet a profité de son procès pour présenter de nombreuses études scientifiques démontrant l’absence de toxicité et d’addiction de l’ayahuasca et a déposé une demande par recours au Conseil d’État visant à annuler l’arrêté de 2005 classant les plantes composant l’ayahuasca comme stupéfiants.
  • Des organisations comme l’ONG – ICEERS (International Center for Ethnobotanical Education, Research and Service) ont soutenu Claude Bauchet pendant son procès. La mission principale de l’ICEERS est de transformer la relation de la société avec les plantes psychoactives traditionnelles en s’appuyant sur la recherche scientifique et la défense des droits humains.
  • Beaucoup d’autres scientifiques ont pu se positionner et présenter de nombreuses études arguant de la non-dangerosité de l’ayahuasca, mais également de ses bienfaits qui entraînent un peu partout dans le monde de nouvelles pistes pour des thérapies contre la dépression, les addictions, ou l’accompagnement en soins palliatifs.
  • Malheureusement, malgré toutes ces preuves, le Conseil d’État a rejeté en décembre 2024 la demande de Claude Bauchet, et a maintenu le statut d’illégalité de l’ayahuasca.
  • Claude Bauchet et son collègue T.G. ont donc été condamnés à 10 mois d’emprisonnement (avec sursis) pour, je cite : « assurer la protection de la société, prévenir la commission de l’infraction et restaurer l’équilibre social » (sic!).
  • Le combat pour l’ayahuasca est perçu comme ayant des implications plus larges pour la dépénalisation d’autres substances enthéogènes et psychédéliques en France et en Europe.

Thèmes et enjeux :

1. Le Statut Juridique Contesté de l’Ayahuasca en France :

  • L’ayahuasca, une boisson rituelle traditionnelle composée des plantes « Banisteriopsis caapi » et « Psychotria viridis », est classée comme stupéfiant en France depuis un arrêté du 20 avril 2005. Cette classification expose les consommateurs à de lourdes peines juridiques. Claude Bauchet conteste cette classification depuis plusieurs années et a demandé l’abrogation de l’arrêté de 2005. Le Conseil d’État a rejeté la demande le 18 décembre 2024.

2. L’Argumentaire en Faveur de la Dépénalisation de l’Ayahuasca : Absence de Toxicité et d’Addiction :

  • Un argument clé pour la dépénalisation de l’ayahuasca repose sur des preuves scientifiques indiquant qu’elle n’est ni toxique ni addictive. Depuis février 2022, la législation française considère comme stupéfiant toute substance à la fois toxique et addictive. Claude Bauchet et ses soutiens utilisent cette définition pour plaider que l’ayahuasca ne devrait plus être classée comme stupéfiant.
  • Plusieurs études scientifiques soutiennent cette position et montrent que les substances psychédéliques, bien que souvent perçues comme dangereuses, sont généralement dépourvues d’effets toxiques graves et n’entraînent pas de dépendance. C’est vrai pour l’Ayahuasca et d’autres substances comme la psilocybine, l’Iboga et la Mescaline.
  • Une enquête menée avec l’ONG ICEERS suggère que les consommateurs fréquents d’ayahuasca se portent bien, voire mieux que les non-consommateurs, indiquant l’absence de risques majeurs pour la santé.

3. L’Ayahuasca dans un Cadre Spirituel et Traditionnel :

  • L’ayahuasca est profondément liée à des pratiques spirituelles et traditionnelles, notamment au sein du Santo Daime, un syncrétisme mêlant christianisme et chamanisme amérindien. Pour les adeptes du Santo Daime, l’ayahuasca est un sacrement essentiel à leurs rituels.
  • Claude Bauchet affirme que l’interdiction de l’ayahuasca équivaut à interdire une culture et une religion. Plusieurs pays, comme le Brésil, le Canada et certains États des États-Unis, reconnaissent un statut religieux à l’ayahuasca et accordent des dérogations pour son utilisation rituelle.
  • En France, l’article 1 de la Loi de 1905 garantit la liberté de conscience et le libre exercice des cultes. L’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 consacre la liberté d’opinion, y compris religieuse. L’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme garantit elle aussi la liberté de pensée, de conscience et de religion, et l’accomplissement des rites.
  • Le positionnement actuel du code de la santé publique concernant ces plantes va à l’encontre de nos droits spirituels et traditionnels.

4. Le Combat Judiciaire et les Acteurs Impliqués :

  • Le combat de Claude Bauchet n’est pas seulement celui de sa religion, le Santo Daime, mais un combat plus large pour la dépénalisation de l’ayahuasca sur la base de preuves scientifiques. Il met en avant le manque de dialogue avec les autorités françaises. Il décrit un « silence total » et un « mépris » de la part du ministère de la santé, qui semble considérer son groupe comme une secte utilisant une drogue et refuse de prendre en considération les études scientifiques récentes qui vont toutes dans le même sens.
  • Le soutien financier et la médiatisation sont des éléments clés de ce combat. Un crowdfunding a été mis en place pour couvrir les frais d’avocat, avec un objectif de 65 000 euros, dont 30 000 ont déjà été récoltés (lien : crowdfunding ici)
  • L’ONG ICEERS est un acteur important dans ce domaine, menant des recherches scientifiques et apportant un appui aux initiatives de dépénalisation. Ils ne sont pas les seuls, beaucoup d’autres chercheurs comme le Dr. Jordi Riba et Rafael Guimarães dos Santos contribuent maintenant aux études scientifiques qui devraient permettre le bien-fondé de la décriminalisation de l’ayahuasca.

5. Implications plus Larges et Perspectives :

  • Le combat pour la dépénalisation de l’ayahuasca est considéré comme crucial pour la liberté de chacun à explorer sa conscience et pourrait ouvrir la voie à la dépénalisation d’autres substances psychédéliques en France et en Europe.
  • La classification de l’ayahuasca en France et en Italie comme stupéfiant se distingue de la situation dans d’autres pays européens où son statut est plus ambigu (« zone grise »).
  • La définition d’une drogue par l’Académie nationale de médecine met l’accent sur les effets psychotropes, l’usage répétitif, la dépendance psychique et éventuellement physique. Cette définition est utilisée dans le recours au Conseil d’État pour argumenter que l’ayahuasca, ne provoquant pas de dépendance, ne devrait pas être classée comme stupéfiant.

Enjeux et Points de Tension :

  • La principale tension réside dans la divergence entre la classification juridique actuelle de l’ayahuasca en France et les preuves scientifiques croissantes concernant son absence de toxicité et d’addiction, ainsi que son utilisation dans des cadres spirituels structurés.
  • Le manque de dialogue entre les autorités françaises et les défenseurs de l’ayahuasca complique la situation.
  • La perception négative des substances psychédéliques, souvent associées à la « drogue » et à la « dépravation », constitue un obstacle majeur à la dépénalisation.

Conclusion :

Le combat pour la dépénalisation de l’ayahuasca en France est une bataille juridique et sociale complexe, alimentée par des arguments scientifiques solides et une volonté de défendre la liberté spirituelle et culturelle. Malgré le rejet récent de la demande d’abrogation par le Conseil d’État et la condamnation de Claude Bauchet, à Decriminalize Nature France, nous sommes plus que jamais déterminés à continuer à le soutenir pour faire reconnaître que cette boisson traditionnelle, utilisée dans un cadre ritualisé, ne présente pas les caractéristiques d’un stupéfiant selon la définition actuelle de la loi française. L’issue de ce combat pourrait avoir des répercussions significatives sur la politique des drogues en France et en Europe.

Si vous voulez en savoir plus, contacter et soutenir Claude Bauchet directement, retrouver le sur son site : http://libertedusantodaime.free.fr

À Decriminalize Nature France, nous travaillons à une meilleure reconnaissance de ces plantes et médecines traditionnelles, dans des cadres personnels, thérapeutiques et spirituels, en lien avec les scientifiques pour faire changer la loi. Si cette cause vous tient vous aussi à cœur ou si vous voulez en savoir plus : Decriminalize Nature France.

Eric Marchal, Secrétaire de DNF le 2 mai 2025